La situation au Royaume-Uni

Publié le par Sandra Mac Nally

Comment rendre l’école plus juste?

 

 

 

La situation au Royaume Uni

 

par Sandra Mc Nally

 

 

 

 

Je travaille au Centre for the Economics of Education à Londres, qui réunit des chercheurs de différents instituts et est financé par le Department for Education and Skills. Je vais vous présenter un aperçu global du système éducatif au Royaume-Uni. En particulier je commenterai les dernières réformes du système éducatif qui ont pour but d’améliorer les performances scolaires.

 

 

Au Royaume Uni, l’éducation obligatoire s’arrête à 16 ans. Comparé à d’autres pays industrialisés (France y compris), beaucoup de jeunes arrêtent les études à cet âge, quittant l’école avec un bas niveau de qualification. Le manque de personnes avec des qualifications intermédiaires est un problème majeur. Cependant, le pourcentage de personnes avec des diplômes universitaires est relativement important. Il y a eu un progrès important au cours des 20 dernières années. Dans les années 1980, on a assisté à un accroissement important du nombre de personnes âgées de 16 ans poursuivant leur scolarité – ceci est en partie attribué à des changement dans le système d’examens. Cependant, tous les groupes socio-économiques n’ont pas profité de cette expansion de l’éducation. Au Royaume Uni, la réussite scolaire est fortement liée au niveau d’éducation et au revenu des parents – ce lien est plus fort au Royaume-Uni que dans d’autres pays et s’est renforcé avec le temps.

 

 

Récemment, beaucoup d’initiatives ont été introduites par le gouvernement pour améliorer la qualité de l’éducation, pour augmenter la performance scolaire et pour réduire les inégalités liées à l’éducation. Il est certain qu’il y a eu des améliorations, mais il y a peu de preuves que ce progrès soit directement lié à des reformes spécifiques. Le gouvernement peut donc difficilement conclure que ce sont les réformes mises en place qui ont eu un impact direct. Au Royaume-Uni une amélioration dans les résultats scolaires est interprétée par les commentateurs comme un baisse du niveau des examens. Une évaluation économique rigoureuse peut aider à élucider la question de ce qui fait une différence, cela permet aussi au gouvernement de revendiquer le succès de sa politique. Mesurer l’impact d’une politique est possible lorsque des réformes sont conçues en incluant d’emblée des critères d’évaluation de leur réussite future.

 

 

Il existe quelques exemples de cela. Le meilleur exemple au Royaume Uni est peut-être l’Education Maintenance Allowance. Il s’agit d’une politique qui vise à améliorer l’accès pour les jeunes défavorisés à l’éducation au delà de l’âge obligatoire. L’idée est de les inciter à poursuivre leur scolarité en leur offrant des aides financières. Le gouvernement a introduit cette initiative comme programme pilote avant de l’introduire au niveau national. Un effort important a aussi été fait pour obtenir de bons groupes de contrôle, qui permettent de comparer les résultats entre des groupes ayant bénéficié de ces politiques et d’autres qui n’ont pas été sélectionnés. Des évaluations de cette initiative montre qu’elle a eu un grand succès.

 

 

Le changement dans la manière d’enseigner dans les écoles primaires a également obtenu de bons résultats. Depuis la fin des années 1990 the Literacy Hour, une heure de lecture quotidienne, fut introduite dans toutes les écoles primaires. Le contenu et la structure du cours durant cette heure sont très spécifiques. Nous avons pu évaluer cette initiative parce que la même réforme a été introduite a plus petite échelle par le gouvernement précèdent. La Literacy Hour a grandement amélioré le niveau de lecture et d’écriture, en particulier pour les élèves les moins doués. De plus cette initiative coûte très peu à mettre en place.

 

 

Le gouvernement a introduit de nombreuses initiatives au niveau régional (éducation et autres domaines). La reforme récente la plus importante est Excellence in Cities (EiC), qui a des ressemblances avec le programme de ZEP français. L’initiative cible des groupes d’écoles dans les régions les plus désavantagées afin d’améliorer leur niveau. Au début, les ressources étaient liées à des programmes spécifiques pour aider les élèves ayant des problèmes familiaux ou particulièrement doués. Progressivement, plus d’indépendance a été accordée aux écoles dans la manière de gérer les ressources du EiC. Le Centre for Economics of Education fait partie d’un consortium de recherche qui est en train d’évaluer cette initiative et nos conclusions seront publiées avant la fin de cette année. Nos résultats concernant l’effet de l’initiative à court terme indiquent une amélioration de l’assiduité et de légers progrès dans les résultats aux examens. Néanmoins, l’effet est très hétérogène et les résultats ne sont valides que pour certaines écoles.

 

 

 

Nous devons aussi nous interroger sur le bien fondé des initiatives locales. Ne serait-il pas plus efficace de concentrer les ressources sur les écoles les moins performantes plutôt que de les disséminer à travers toutes les écoles d’une région? Ne court-on pas le risque d’étaler les ressources trop finement ? Cependant les initiatives régionales ont pour avantage d’encourager les participants à travailler ensemble. Certaines initiatives, EiC compris, cherchent à inciter les écoles à collaborer ensemble pour en améliorer les performances. Mais il est difficile de savoir si une vraie collaboration a lieu ou si celle ci a un effet sur les résultats scolaires.

 

 

D’autres mesures ont été mises en place pour encourager la concurrence entre écoles et améliorer ainsi le niveau d’éducation – un aspect de ces mesures est l’augmentation du choix disponible pour les parents d’élèves parmi les établissements scolaires. Depuis le début des années 1990, les parents ont la possibilité d’envoyer leurs enfants dans l’école de leur choix indépendamment de l’emplacement géographique de l’école. En pratique les meilleurs écoles reçoivent souvent trop de demandes d’inscription. Dans ce cas, elles on le droit de choisir leurs élèves selon certains critères, notamment le lieu de résidence des parents. La proximité d’une école avec de bons résultats a pour conséquence un effet sur le marché de l’immobilier (il y a une prime importante pour vivre près d’une bonne école).

 

 

Le gouvernement a essayé d’améliorer la qualité de l’information à laquelle les parents ont accès en publiant des listes de résultats aux examens. D’importantes questions restent à résoudre pour pouvoir conclure si les mesures discutées ici mènent à une amélioration des résultats scolaires ou approfondissent les inégalités face au système scolaire (les moins riches ne peuvent par exemple pas s’acheter une propriété dans les quartiers les plus riches où se trouvent les meilleurs écoles). Certains de mes collègues au Centre for the Economics of Education sont en train d’effectuer des recherches pour répondre à ces questions. Les chercheurs pourraient répondre bien plus précisément et plus rapidement à la question de savoir ce qui marche s’ils étaient plus souvent impliqués dès la conception d’une initiative, son introduction, et son évaluation. Nous y gagnerions tous beaucoup.

 

 

 

Publié dans Education

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